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BOUQUET PROVINCIAL DE SOISSONS

19 MAI 1957

 

UNE JOURNEE INOUBLIABLE

François LE ROUX

Une ambiance extraordinaire a régné, dimanche 19 Mai 1957, à Soissons et dans l'allégresse populaire d'une belle journée de printemps s'est déroulée la fête du Bouquet provincial.

De mémoire de Soissonnais, jamais une manifestation n'avait attiré une foule aussi dense et aussi enthousiaste. Rarement, il nous a été donnée de voir une ville aussi belle, un spectacle aussi gracieux et aussi impeccablement réalisé.

Sur tout le parcours de la parade, des milliers, des centaines de milliers de fleurs garnissaient les fenêtres et les grilles, les vitrines des commerçants transformées pour la circonstance étaient magnifiques.

Plusieurs centaines de jeunes filles, en robe blanche accompagnaient les Bouquets de Soissons, de Coeuvres et de Montigny-Lengrain. Des chars fleuris, des musiques entrainantes, les autorités régionales, les dirigeants de l'archerie, toute une longue file de drapeaux ont parcouru les rues de Soissons au milieu d'une foule en liesse accourue de toute la région, mais aussi de très loin et de la Belgique.

A la parade succéda la cérémonie majestueuse à la Cathédrale, présidée par le grand maître de l'Archerie Mgr Douillard, entouré des membres de la Confrérie de Saint-Sébastien venue tout spécialement de Paris. Messe solennelle dans un cadre unique, en présence de plus de 5.000 fidèles. Allocution de Mgr Beaurain. Sortie sous le voûte formée des 186 drapeaux. Ces minutes émouvantes laisseront un impérissable souvenir à tous ceux qui les ont vécues.

Il y a eu enfin toute l'après-midi de nombreuses festivités, cavalcade, spectacles de variété, jeux nautiques, fête foraine, tant et tant de monde qu'il était difficile de circuler en ville.

Félicitations et remerciements au Comité d'Organisation du Bouquet, pour la réalisation de cette manifestation sensationnelle, le Capitaine Lablanche et ses chevaliers ont bien mérité de la ville et ils ont droit à un chaleureux bravo. Quand à nous, au journal, nous savions tout l'intérêt que représentait pour Soissons cette fête du bouquet, la valeur morale qui se manifeste dans la tradition de l'archerie française et les nobles sentiments qu'elle développe pour rendre notre pays plus beau et plus uni. Aussi nous réjouissons-nous de son large succès et sommes-nous particulièrement heureux d'avoir contribué à rendre notre ville de Soissons encore plus belle et plus attachante et d'avoir ainsi démontré que les archers sont des gens bon sens et de bon goût à qui l'on peut faire confiance.

 

 

19 MAI

René HENRIQUET

L'aube de ce grand jour apparut frémissante,
L'anxiété régnait, hélas ! dans tous les coeurs;
Qu'est-ce que le destin, qui très souvent nous hante, 
Allait-il réserver : de la joie ou des pleurs ?

"Alea jacta est", dis-je en quittant ma couche,
Et mes yeux inquiets scrutèrent l'horizon;
L'espérance sortit d'un seul cri de ma bouche,
Mon pronostic heureux me donna bien raison.

Et nous avons connu le pur enthousiasme;
Dans le ravissement, dans l'exaltation,
Sans le moindre reproche et loin de tout sarcasme,
Nos cris furent empreints de jubilation.


Ma plume est impuissante à dépeindre la fête;
Je cherche en vain des mots pour qualifier;
Un prodige, un miracle, un rêve de poète,
Une magnificence à vous stupéfier.

Le plaisir, le bonheur habitaient notre ville,
Nous en reparlerons pendant longtemps encore;
Entré dans le passé, Bouquet indélébile
Tu charmeras notre âme ainsi que notre sort.

Gardons pieusement de ce jour des reliques,
Pour bien entretenir ce souvenir ardent;
Avant de vous ranger, objets si symboliques,
Nous chanterons, amis, très passionnément :

     Vivent les archers de France,
     Que dans un accord parfait
     Nos voix chantent en cadence :
     Gloire, honneur à leur Bouquet.


PETITS ECHOS D'UNE GRANDE FÊTE

La Fête de Bouquet Provincial a obtenu un succès mérité. Depuis des mois, la Compagnie d'Arc avait organisé sa propagande; il y avait eu l'émission d'Europe 1 du 7 mai; puis vendredi, à midi, la Télévision. L'Argus, de son côté, avait sorti un numéro spécial largement diffusé à travers toute la région.
Nous étions, comme les organisateurs, assurés du succès, car une fête de Bouquet est toujours très belle et ne déçoit jamais. Et puis il y avait 57 ans qu'un tel événement ne s'était produit à Soissons, il y avait quand même une crainte.

Cette crainte, les Soissonnais l'ont ressentie samedi soir, vers 17 heures, en effet, la pluie menaçante depuis le matin s'est mise à tomber et elle ne s'est arrêtée qu'à la nuit. On a vu à certain endroit une femme, en haut d'une échelle, poser guirlande, abritée sous un parapluie.

Le dimanche matin, le ciel était toujours menaçant, il pleuvait autour de Soissons, mais rien n'est tombé sur la ville. Il faut dire que sainte Claire avait reçu un nombre d'oeufs impressionnant. Après saint Sébastien, sainte Claire va devenir la grande protectrice des archers et de leurs manifestations.

Couchés tard, les Soissonnais furent debout  de bonne heure pour terminer la décoration de leurs maisons. Ce fut vraiment très bien et les responsables des différentes rues firent preuve de goût et d'imagination. S'il fallait donner un prix, il serait décerné, tout en reconnaissant le mérite des autres, à l'avenue de Reims.

Un bravo aussi aux commerçants de la Place Centrale pour l'ornement des grilles et le pied des arbres. Les vitrines également étaient très jolies avec leurs bouquets miniatures multicolores. Un magasin d'habillement de la rue Saint-Martin avait exposé une ravissante Diane chasseresse, un bazar de l'avenue de Compiègne avait mis au fronton de son magasin "Saint-Christophe honore saint Sébastien", un peu partout, nous avons vu des cibles, des flèches, des images de saint Sébastien.
Une très belle illumination compléta le soir, la présentation des vitrines.

Un petit regret toutefois, c'est qu'en dehors des rues situées sur l'itinéraire de la Parade, il n'y ait eu que de rares décorations.
La journée du 19 débuta par le réveil en musique exécuté par la voiture publicitaire des Cafés San Remo " un appel au jus" tout à fait de circonstance. Le car de la Maison Martini, également, se mit à la disposition du comité d'organisation. Ces deux voitures furent de grande utilité durant la fête pour donner les dernières consignes.

Il y eut beaucoup de consignes à donner et le local de la permanence fut pendant plusieurs jours une ruche bourdonnante, un va-et-vient continuel, le téléphone fonctionnant sans arrêt. Nous eûmes l'occasion de découvrir et d'apprécier le sens d'organisation de certains membres du comité. Notre S.I. de Soissons n'est pas à court d'animateurs.

Félicitations en passant au service d'ordre qui fut impeccable. Nos agents avaient pour la circonstance sorti leur nouvelle tenue, képi blanc et veste à parements blancs.
Près de 20.000 voitures circulèrent en ville, il y avait du travail pour tous nos braves agents.

Affluence également dans les cars et les trains, bousculade, retard, station debout, rien ne manqua. Les services de transport ne s'attendaient pas à une telle clientèle.

Réveil à 6 heures, premier appel à 7 heures, au Pensionnat de l'enfant-Jésus où eut lieu le rassemblement et l'habillage des jeunes filles. Les Soeurs avaient préparé le petit déjeuner sur des tables décorées de fleurs blanches et bleues; une attention qui a touché les responsables présentes.
A 7h30, deuxième appel et départ pour la place Pillot où attend le Bouquet de Coeuvres. A 8 heures arrivée place Saint-Christophe à la minute précise fixée au programme. Il en sera ainsi toute la matinée. Les archers sont disciplinés, l'exactitude étant la politesse des rois.

Animation à l'Hôtel de Ville, les tambours battent le rappel et s'avancent pour présenter les drapeaux. Sur les marches, les officiers et le roi de Soissons reçoivent leurs invités. Drapeaux sur l'épaule, les archers, par petits groupes se rendent au lieu du rassemblement et s'arrêtent en ville; tout à l'heure il leur faudra faire 4 kilomètres.

A la gare de Soissons et venant de Paris arrivèrent, le matin, les membres de la Confrérie de Saint-Sébastien en habits d'apparat, bicorne sur la tête et grande cape sur l'épaule; leur passage fut très remarqué. M. Dehollain, qui était venu les accueillir, les accompagna ensuite au rassemblement.

Le boulevard de Strasbourg connait la grande animation. Avant le départ, le chef des arbitres, M. Cardon règle les derniers détails.
Un oubli, cinq minutes avant le coup de sifflet, on s'aperçoit qu'il manque le Bouquet. Il est resté à l'église Saint-Waast et l'on dépêche deux jeunes filles qui l'amèneront en toute hâte. A 9 h. 45 précises, la parade commence.

Parade inoubliable, dans un ordre impeccable, à travers la ville, sous les applaudissements de 70.000 personnes, un magnifique spectacle s'est déroulé.

De chics types et de bons camarades, les escrimeurs de Soissons. On leur avait confié les Coupes et... la garde de la Statue de Saint-Sébastien... et ils ont rempli leur mission avec honneur.

A l'Orphelinat Saint-Vincent de Paul, toutes les élèves sont perchées en haut du mur pour voir le défilé. A l'hôpital, les pensionnaires suivent des yeux, derrière les grilles décorées, le long cortège qui passe devant eux. De la place de la République à la Cathédrale, les spectateurs sont massés sur 6 ou 8 rangs. Jamais Soissons n'a connu pareille affluence.

A la Cathédrale. Arrivée dans un ordre parfait, la nef est libre et le roulement des tambours restés à l'extérieur accompagne le groupe des jeunes filles, des personnalités, puis des drapeaux. L'ouverture des portes aux fidèles crée un vaste brouhaha couvert par les grandes orgues.

5.000 personnes ont pris place dans le vaste édifice. Cérémonie très belle et très émouvantes. Après la bénédiction du Bouquet, par Mgr l'Evêque, le Capitaine et les deux présidents prononcent leurs discours.

La sortie se fait sous une haie de drapeaux.

Vin d'honneur à l'hôtel de Ville.
M. le Préfet de l'Aisne, dont on a regretté l'absence au cours de la Parade vient apporter ses félicitations aux organisateurs et M. le Maire lève son verre à la prospérité de la Compagnie d'Arc.

Pendant ce temps, les jeunes filles étaient invitées à un soda d'honneur au Marché Couvert. Après une longue marche, cette boisson fut très apprèciée.

 

Mais il fallut songer au repas du midi. Il y eut affluence dans les restaurants et les cafés, et certains convives durent attendre un deuxième service et sortirent de table assez tard. Le pain dans les boulangeries fut rapidement épuisé. Le commerce d'alimentation profita au maximum de cette affluence record. Bref, une bonne affaire pour tous.

Jour de fête pour notre sympathique compositeur, poète et chansonnier soissonnais. René Henriquet, qui célébrait, le 19 mai son 70e anniversaire.
Au banquet, nous eûmes l'agréable plaisir de l'entendre chanter la Chanson du Bouquet qu'il a composée pour ce beau jour. Monseigneur et M. l Maire reprirent en choeur, avec, avec toute la salle, le refrain " Vivent les Archers de France "...

L'après-midi, vers 15 heures, une véritable marée humaine a envahi les artères de la ville, il n'y a plus possibilité de se déplace, la voiture d'un organisateur manque d'être renversée par une foule déchaînée.

C'est à grand peine que la cavalcade se fraie un passage pour se rendre au terrain où a lieu le spectacle de variètés.
La pianiste-accompagnatrice ne put rejoindre le lieu du spectacle qu'en empruntant la voiture d'ambulance, seul véhicule qui a la possibilité de circuler dans la foule. Il y a du monde partout et tous les cafés sont littéralement assiégés, car il fait chaud.

Une multitude d'appareils photographiques se sont braqués sur le charmant groupe des jeunes filles ou sur les chars.
qui pourra évaluer le nombre de photos tirées et le nombre de mètres de pellicules utilisés par les cinéastes ? Il n'y avait plus guère de bobines disponibles, dimanche soir, chez les commerçants en photos. Espérons que l'on verra bientôt le film du Bouquet de Soissons sur les écrans.

A la permanence, à 18 heures, il n'y a plus rien à placer, insignes, assiettes, programmes ont disparu et les vendeurs ont la satisfaction d'avoir bien fait leur devoir. S'ils veulent un souvenir de Soissons, les visiteurs rendront visite à une charcuterie toute proche où un étal appétissant attire les regards.

A la nuit tombante, il reste encore beaucoup de monde à Soissons, la circulation est très dense dans la rue Saint-Martin où un car belge, un instant, encombre la chaussée. Le secrétaire de la Compagnie d'Arc, bénévolement, assure le service.

La nuit est arrivée. A 21 h. 30, il y a encore foule devant le casino où le gala depuis un moment est commencé. " Folies Bergères " clôture le spectacle et les archers se retrouvent au bal de l'Hôtel de Ville.
Là également, il y a eu foule toute la soirée et la salle est surchauffée. Au prochain Bouquet, il faudra prévoir un local plus spacieux.

Admirables, les Archers de Soissons au cours de la journée. On les voyait partout et nous regrettons bien de ne pouvoir citer des noms.
Ils étaient au Stade, à la Cathédrale, à l'Hôtel de Ville, à la Permanence, partout... On les reconnaissait à leur belle casquette neuve, à leurs gants blancs at au large sourire qui épanouissait leur visage. Jour de gloire pour la Compagnie Colonelle de 19 mai.

Savez-vous que plus de 10.000 personnes venues à Soissons ne purent voir le Bouquet et sa pittoresque Parade ? La raison : il aurait fallu qu'ils viennent la matin.